Je n’ai aucune espèce d’affinité avec les morts. Beaucoup de mes collégues pensent que la conversation avec un cadavre a quelque chose de plus efficace, qu’elle court directement à l’essentiel, débarassée de toute l’hypocrisie de circonstance qu’on réserve aux vivants. Je ne suis pas de cet avis.
Mon boulot ne consiste pas à écouter les morts. Quand je suis dépéché sur un affaire, le temps de parole des victimes est définitivement écoulé. Sur une scène de crime, l’assassin est le seul qui s’exprime. Il me faut l’écouter, le comprendre, le deviner pour l’identifier. Je dois cerner les événements qui ont fait d’un individu un meurtrier, un déviant, quelqu’un qui a cru posséder le pouvoir d’oter la vie. Par son acte, l’assassin a gagné ce qu’il a définitivement enlevé à ses victimes : toute mon atttention.
Les morts sont irrécupérables. La vengeance ne les raménera pas. Les victimes sont toujours inutiles. Mon boulot n’est pas de punir, il est trop tard pour encore l’espérer. Il est encore moins de venger, rien ne peut réparer un meurtre. Je suis là pour arréter le meurtrier, l’empécher de recommencer et empécher à travers lui tous ceux qui hésitent encore à passer à l’acte. En matière de meurtre, il n’y a pas de justice. Les vivants doivent être protégés, les morts ne peuvent plus que prétendre à l’oubli.
Je m’appelle Arthur Faisandier, je suis flic.
J’ai toujours été flic.