Un café étudiant, il y a foule. Le juke-boxe déverse une musique rythmée à plein volume. Les serveuses courent d’un bout à l’autre de la salle ne laissant jamais un verre se morfondre vide. Les conversations animées vont bon train.
Je suis seul à ma table observant ce beau monde. J’ai bu quelques verres, juste de quoi me démonter légèrement. J’ai envie d’entretenir un peu cette douce mélancolie qui me prend.
Mes yeux se perdent dans une tache liquide sur le rebord de la table. Mes pensées vagabondent. Je pense à tout en même temps. Je refais le monde à ma manière. Je philosophe sans but.
Je n’ai pas envie de rentrer, pas envie de soutenir l’effort d’une discussion. Juste celle d’éprouver cette tristesse vaporeuse qui me prend parfois, d’en goûter tout le sel, toute l’amertume.
Les lumières de la salle se reflètent dans la tache. Le froid me prend soudain. Plutôt que de tenter la retraite, je le laisse me pénétrer. Il s’engage résolument dans mon corps, allant de plus en plus profond. Des frissons me parcourent.
Je ne pense à rien. Tous mes sens sont tendus vers ce nouvel état d’esprit. Je me noie dans la tâche. Mais je ne me débat pas. Pour rien au monde je ne voudrais appeler au secours.
Je veux seulement être seul et triste.