Litotes funèbres

Comment vous dire ? Il est…

Il nous a quitté il y a peu. Il est monté au ciel. Il est parti pour toujours. Il s’est éteint dans sa quarante-deuxième année. Il a cassé sa pipe. Il a été fauché dans la force de l’âge. Il a été emporté trop jeune. Il est disparu trop vite. Il a été emporté par la maladie. Il a cessé de vivre. Il a rendu son dernier soupir. Il a vécu ses derniers instants. Il s’est endormi à jamais. Il a plongé dans le repos éternel. Il est sorti les pieds devant. Il a été rappelé à Dieu. Il a rendu l’âme.

Il est mort… tout simplement ?

Mr Tout-le-monde

Je ne suis pas fou mais ma raison s’égare ;

je ne suis pas obsédé mais j’y pense souvent ;

je ne suis pas voyeur mais la voisine est très aguichante ;

je ne suis pas pédophile mais certaines jeunes filles sont trop attirantes ;

je ne suis pas homo mais je me pose la question ;

je ne suis pas sucidaire mais je souhaite parfois ma mort ;

je ne suis pas asssassin mais je souhaite souvent la leur ;

je ne suis pas maso mais j’apprécie certaines douleurs ;

je ne suis pas sadique mais je contemple leurs souffrances ;

je ne suis pas immortel mais j’ai encore du temps ;

je ne suis pas dépressif mais seulement un peu triste ;

je ne suis pas misanthrope mais j’ai envie de rester seul ;

je ne suis pas xénophobe mais ils me font peur ;

je ne suis pas grand, je ne suis pas petit, je ne suis pas gros, je ne suis pas maigre, je ne suis pas riche, je ne suis pas bête, je ne suis pas intelligent, je ne suis pas pauvre, je ne suis pas beau, je ne suis pas laid ;

je suis comme beaucoup d’autres et ça m’arrange ;

je suis comme tout le monde et ça me vexe..

Mes dernières volontés

Quand je serai un écrivain (plus que) célèbre,

– je veux qu’on fasse poser une plaque commémorative en chaque lieu ou j’aurai posé mes fesses.

– je veux qu’on alloue une pension à tous mes professeurs de lettres.

– je veux être cité dans tous les livres d’Histoire.

– je veux qu’on m’érige une statue monumentale en lieu et place de la statue de la liberté et qu’on en fasse une copie pour toutes les villes côtières.

– je veux qu’on crée une fondation à mon nom, chargée de propager ma bonne parole.

– je veux qu’on fonde une église vouée à mon culte, qu’elle prie pour mon salut et mon génie à chaque minute que crée Dieu. Ce seul maître à bord après moi.

– je veux mon effigie sur chaque pièce de monnaie, chaque billet.

– je veux qu’un prix éponyme récompense exceptionnellement les « pas de géants pour l’humanité ».

– je veux qu’en chaque lieu de ce monde une heure quotidienne soit vouée à ma commémoration.

– je veux que ma naissance soit l’origine absolue de tous les calendriers.

– je veux qu’on envoie continuellement des sondes spatiales chargées de l’ensemble de mon oeuvre coloniser l’Univers.

– je veux que mon nom corps repose dans un mausolée lunaire visible de la Terre.

– je veux que mon nom soit gravé dans les étoiles.

– je veux juste laisser mon nom à la postérité…

Rambo des bacs à sable

Le jardin public est calme en ce début d’aprés-midi. Un vieux monsieur, le menton appuyé sur sa canne, fait un somme sur un banc. Deux mères de famille discutent marmaille en jetant de temps à autre un coup d’oeil maternel à leurs landaux respectifs. Les deux bambins mèlent leur gazouillis au chant des oiseaux. Un chien renifle les poubelles une à une.

Le bac à sable est presque vide. Un garçon d’une demi-douzaine d’années se dévouvre des talents de batisseur tandis que deux autres du même âge sont accaparés par un duel aux billes. Seules leurs exclamations étouffées devant un coup joliement exécuté viennent parfois briser le silence paisible du square.

L’architecte du bac à sable s’empare soudain d’une pelle en plastique et en frappe rageusement l’édifice instable qu’il vient pourtant de terminer. Pour mieux compléter la déstruction il se lève et saute à pieds joints sur les ruines du chateau.

– On joue? demande-t-il à ses camarades, toujours absorbés par leur jeu.

– A quoi? demandent ceux-là sans relever la tête.

– J’sais pas… A l’Irak?

– Ah non! C’est toujours nous Sadamussene! lance l’un des deux mômes avant de se retourner pour un coup particuliérement difficile.

– Tant pis, alors… Je vais jouer tout seul!

Laissant là les deux autres garçons, le petit bonhomme sort du bac. Il s’engage dans une allée en prenant soin de frapper du pied dans le moindre tas de feuilles mortes. Il s’engage sous le couvert, la tête baissée à la recherche d’un accessoire de jeu.

Il trouve son bonheur au pied d’un arbrisseau, sous la forme d’un bâton. Sa forme évoque, sans discussion possible, celle d’un gros revolver comme les cow-boys à la télé. Immédiatemement consolé, le garçon s’en empare, et vise au hasard. « Pan, pan, pan ! ».

Un oiseau sur un arbre proche tente de couvrir les cris en s’égosillant à son tour. Le marmot ne se laisse pas faire. Après un tour sur lui même, il vise au jugé et tire: « PAN ! » L’oiseau s’étrangle au milieu d’un roucoulement, la tête presque arrachée par l’impact, et tombe de l’arbre comme une pierre.

L’enfant s’approche avec circonspection de la petite tâche rouge sur le gravier. Il tourne autour et finit par toucher la bête du bout de sa chaussure sans provoquer de réaction. Rassuré il envoie la bête à quelques mètres d’un coup de pied bien placé.

Le vieux monsieur sur le banc dort toujours. Silencieusement le môme entreprend de le contourner. Arrivé à hauteur de son dos, il pointe son arme sur le vieillard et appuie sur la détente. Le vieux monsieur semble s’affaler un peu plus sur sa canne tantdis qu’une auréole rouge envahit peu à peu le dos de sa veste.

Le garçon remonte maintenant l’allée. Au bout de celle-ci les deux autres enfants ont apparemment arrété les billes pour s’emparer d’une toupie. L’un des deux est tourné vers l’allée et sourit lorsque le troisième lève son baton à hauteur de sa poitrine sans s’arréter d’avancer.

« PAN ! ». Le sourire du garçon se transforme en rictus tandis qu’il s’abat lourdement sur le sable, les bras en croix. Le troisième surpris se retourne vivement mais il est fauché alors même que son regard croise celui assuré du tireur. Il s’abat à son tour, son corps venant grotesquement s’affaler sur celui de son camarade de jeu.

Le garçon s’avance, tire trois fois dans chaque corps, par précaution, prenant soin à chaque fois d’observer les effets de ses coups sur la chair.

L’une des deux mères arrive en courant, affolée. Elle jette un coup d’oeil aux deux petits corps étendus sur le sable. De stupeur elle se tourne vers le môme qui observe calmement ses réactions. Elle ouvre la bouche, semble vouloir dire quelque chose mais ne trouve pas ses mots. Peu enclin à la discussion, le gamin épaule et tire. Un corps de plus vient joncher le bac.

Le môme hausse les épaules et s’engage dans une allée perpendiculaire. La deuxième mère doit maintenant veiller sur les deux landaus et ne remarque pas son arrivée. Un permier projectile traverse la toile d’un des landaus et la frappe au ventre. Elle se jette en avant tentant de protéger de son coprs les deux bébés. L’enfant couvre les trois pantins d’un feu nourri pendant une dizaine de secondes qui semble une éternité.

La femme est allongée sur le gravier, un bras replié sur la tête comme dans une dernière tentative de se protéger. L’un des landaus est renversé, le deuxième a perdu deux roues et gît en travers de la chaussée. Leurs toiles sont criblées de trous par lesquels suintent de minces filets de sang.

Le calme est revenu sur le square. L’enfant jette négligemment son bâton sur la pelouse. Sa fonction est devenue inutile. Il s’essuie les mains légérement poisseuses sur son short et se dirige vers la sortie du parc. Sans même un regard en arriére, il rejoint la rue et l’activité de la ville. Un sourire de satisfaction enfantine flotte sur ses lèvres.

Si je serais grand, je serais INVINCIBLE !

Le vent rugit en s’engouffrant dans la rue principale. Il joue avec le sable. L’air est sec et aride, plus encore qu’à l’accoutumée. De rares passants s’empressent de se mettre à l’abri, maintenant chapeaux et soulevant jupons. Un chien famélique hurle à la nuit qui tombe.

De mon poste d’observation je contemple la totalité de la rue. Tout est si calme. Le seul bruit qui me parvient est celui du sable tambourinant sur la vitre sans relâche. Encore une journée sans heurt.

Un coup de feu me tire soudain de ma léthargie. Un fusil à canon scié ! Le bruit semble provenir du saloon de l’autre côté de la rue. Pas le temps de réfléchir, j’attrape mon chapeau et je sors.

Le vent mélé de sable me gifle violemment. Penché en deux, je traverse la rue, mi-marchant, mi-courant. Deux coups de feu retentissent encore. Parvenu de l’autre côté, je me déporte vers une fenêtre. Je m’accroupis à sa hauteur pour jeter un coup d’oeil à l’intérieur.

Le nuit qui tombe pare l’intérieur d’une saloon d’une obscurité diffuse et je ne distingue qu’à peine les protagonistes. Deux hommes encagoulés, armés jusqu’aux dents. L’un, monté sur une table, vocifère contre les malheureux clients qui pensaient trouvés là un refuge accueillant contre la tempête. L’autre joue du pied avec le cadavre de celui que je reconnais pour être le propriétaire du saloon.

Je ne saisis pas leur mobile. Le saloon n’est pas la cible révé pour un casse. La banque qui jouxte mon office me parrait beaucoup plus approprié. Alors quoi ?

Je me glisse silencieusement vers la double porte à battants. La situation est perilleuse. S’ils décident d’utiliser des otages, je serais pieds-et-points liés. Seul l’effet de surprise peut me donner un avantage et je ne disposerais donc que d’une seule chance.

Mes doigts sont glacés de serrer si fort les deux colts. Je calcule mes chances. Seulement trois jours que je tiens ce poste. Je tire mentalement à pile ou face pour savoir sur qui tirer le premier. Celui sur la table constitue une belle cible, je vais commencer par l’autre.

Il est un moment ou l’action doit tout supplanter. La réflexion n’est plus de mise. Je me lève et je pousse la porte d’un seul geste, précédé par mes deux revolvers. Leurs bouches crachent les premiers coups de feu. Sans effet. Tandis que je réarme nerveusement les chiens, les deux hommes se tournent vers moi et épaulent. Celui sur la table tire le premier, le coup vient exploser le chambranle de la porte derrière moi.

Je tire à mon tour. Les deux balles viennent le frapper en pleine poitrine. Il effectue quelques pas de côté sur la table avant de s’écrouler sur le parquet. Les heures passées à m’entrainer n’auront pas été vaines.

Le deuxième me tient en joue. Je me jette sous une table. Le coup part, traversant la position que je tenais il y a seulement une seconde. Le souffle court, je réarme mes coups. Un coup d’oeil rapide à la salle, l’homme s’est réfugié derrière le bar.

Je tente le tout pour le tout. Comptant sur le fait qu’il recharge surement, je me lève et court vers le bar. L’effet de surprise toujours, comme me l’a enseigné mon prédecesseur. Paix à son âme…

Mais cette fois-ci, la surprise est pour moi. Alors que je ne suis plus qu’à un mètre du bar, j’apperçois à l’extrémité de mon champ de vision une forme floue qui s’agite. Un troisième homme !

Je sens la douleur avant même d’entendre le coup partir. En un instant ma chemise se couvre de sang, je m’écroule. Trois jours !