Exercice gravement futile

Forcément, sur le moment, c’est plaisant : Retrouver le plaisir d’écrire, contempler les mots qui s’enchaînent, croire son sujet limpide et juste expression de ce que je ressens. Rejoindre enfin la vocation première de l’ancêtre papier du blog en crachant sur le papier mon heureux désespoir.

Forcément, avec le recul, les même hésitations remontent à la surface. Celà en vaut-il vraiment la peine ? Pourquoi rendre public ce « journal intime » ? Qu’est ce que je cherche à prouver ? Qu’est ce que je cherche à provoquer ?

Je l’ai déjà dit, je n’ai pas la réponse et je ne la cherche pas. Je me retranche derrière l’argument facile que la décision est ailleure. Ce que je rend visible, personne n’est obligé de prendre le temps de le lire, chacun est en droit d’estimer/juger/apprécier/ignorer mes mots. Irréfutable, non ?

L’âme triste

Un café étudiant, il y a foule. Le juke-boxe déverse une musique rythmée à plein volume. Les serveuses courent d’un bout à l’autre de la salle ne laissant jamais un verre se morfondre vide. Les conversations animées vont bon train.

Je suis seul à ma table observant ce beau monde. J’ai bu quelques verres, juste de quoi me démonter légèrement. J’ai envie d’entretenir un peu cette douce mélancolie qui me prend.

Mes yeux se perdent dans une tache liquide sur le rebord de la table. Mes pensées vagabondent. Je pense à tout en même temps. Je refais le monde à ma manière. Je philosophe sans but.

Je n’ai pas envie de rentrer, pas envie de soutenir l’effort d’une discussion. Juste celle d’éprouver cette tristesse vaporeuse qui me prend parfois, d’en goûter tout le sel, toute l’amertume.

Les lumières de la salle se reflètent dans la tache. Le froid me prend soudain. Plutôt que de tenter la retraite, je le laisse me pénétrer. Il s’engage résolument dans mon corps, allant de plus en plus profond. Des frissons me parcourent.

Je ne pense à rien. Tous mes sens sont tendus vers ce nouvel état d’esprit. Je me noie dans la tâche. Mais je ne me débat pas. Pour rien au monde je ne voudrais appeler au secours.

Je veux seulement être seul et triste.

Nouvelles du monde

Comme chaque jour, je me connecte à Internet, parfois le seul lien qui me reste avec mon monde. Comme chaque fois, je lance machinalement mon client IRC tandis que je consulte mes mails. Comme souvent je me rend sur la page du quotidien « le monde ». Là je ne jette pourtant qu’un coup d’oeil discret à la une. La raison de ma venue ? Les dessins du jour et l’article décalé.

Une roquette artisanale de type Qassam tirée dimanche à partir du nord de la bande de Gaza. Le président colombien aurait échappé à un attentat. Election présidentielle au Rwanda : douze représentants de l’opposition arrêtés. Le directeur de l’usine Flodor de Péronne a été mis en examen. Un groupe salafiste revendique l’enlèvement des otages du Sahara. Les orages ont fait un mort et d’importants dégâts. Arrestation en Grèce de l’ancien magnat russe des médias…

Les mêmes mots, les mêmes images, les mêmes faits. L’actualité est un éternel balet de faits-divers avariés. Tout ce cirque est tellement routinier que personne n’y prête plus attention. Le même « 20h » passé en boucle tous les soirs, vu par tout-le-monde mais regardé par personne. Cette actualité est d’un ennuyeux scandaleux.

Je préfère de loin accorder mon attention à l’anecdotique, m’attarder sur le futile pittoresque. L’actualité parrallèle mèle merveilleux et ridicule. J’y trouve enfin mon compte. Notre monde ne tourne pas rond, mais on peut encore en rire. C’est salvateur…

Un jour, un blog…

Le blog, invention caractéristique de notre temps. Tout le monde il est beau, tout le monde il est auteur… Ma vie mérite d’être étalée, mon talent d’éclater au grand jour.

Toute l’ironie du principe réside en une phrase: « personne ne me lira mais tout le monde pourra me lire ! ». Le lecteur reste anonyme, la critique inexistante. Je me berce de doux mensonges. Mon blog est lu est relu, je suis le nouvel auteur à la mode.

Je suis nul. Bassesses à but attractif, je teste tout-à-tour la provoc’ facile, le sentimentalisme exacerbé, le brumeux pompeux. J’ai trouvé ma vocation, je serai bloggeur incompris papa ! Mais l’incompréhension n’est elle pas le dernier rempart de l’auteur moderne face à la médiocrité des masses ?

Observez cette dernière phrase, mélant clichés et métaphores. Je déteste ce travers et je l’affectionne tellement. Masturbation intellectuelle ? sans-doute mais quel plaisir ! Un peu d’indulgence, je débute…

Comment vous faire rester ? Comment suciter l’intérêt ? Ma vie, c’est bien peu, la romancer, c’est mieux ! Le vrai est spectacle et je ne vous connais pas. Rien à déméler, tout est imbriqué. Essaye encore. Reviens. Reste un peu…