Dans un duo d’âmes métalliques, un simple changement de polarité pour se sentir irrémédiablement attirés…
Auteur/autrice : acariatre
Politique et idéaux
Un billet politique, pas pour énoncer ma vérité mais pour provoquer la votre, je veux comprendre.
Beaucoup de gens autour de moi et des biens votent « à gauche ». Beaucoup de gens autour de moi et des pas mauvais non plus votent « à droite ». Certains fustigent l’autre camp d’incompréhension, d’ignorance caractérisée voir de mal absolu. Personnellement, je me demande déjà si je sais pourquoi je vote ça. Et pourquoi eux votent ailleurs.
Si on s’en tient au modèle « gauche » / « droite » avec toutes ces limites, je comprends les choses comme ça :
Dans les deux camps, on cherche d’abord son bonheur personnel mais aussi à construire globalement une société harmonieuse. Deux choses qui vont parfois de concert et sont parfois antagonistes. Mais qui sont souhaitées par les deux camps, ne l’oublions pas.
L’un des camps, la droite, semble être convaincu que cette progression peut se faire économiquement. C’est en augmentant les richesses de la société que celle-ci va progresser (« plus il y a de gâteau, plus il y a de miettes et donc d’heureux »). Et pour motiver cette progression, il faut reconnaître le mérite de ses individus porteurs, qu’ils soient rétribués en fonction de leur participation au progrès collectif. C’est une vision plutôt négative de l’homme et plutôt positive du marché : puisque l’homme ne va pas de lui-même aider la société et ses semblables, c’est le marché qui va récompenser les meilleurs acteurs et ainsi faire avancer la société pour le bien de tous les hommes.
L’autre camp, la gauche, semble quand-à-lui être convaincu que cette progression doit se faire socialement. C’est en partageant les richesses produites par la société que celle-ci va progresser (« mieux le gâteau est partagé, plus il y a d’heureux »). La richesse n’est plus motivée. C’est une vision plutôt positive de l’homme et plutôt négative du marché : l’homme va de lui même participer au sein de la société et les retombées vont être partagées pour le bien de tous les hommes.
Vues comme ça, je dirai que la droite est plus pragmatique là où la gauche semblerait presque naïve. La droite a compris l’importance de l’intérêt personnel comme motivation là où la gauche croit encore aux vertus du partage, on croit rêver.
Mais vues comme ça, je dirai aussi que la gauche est humaniste là où la droite emprunterait une vision bien triste de l’humanité.
Alors.. alors ?
Alors, élevé au capitalisme, je ne suis que trop convaincu que celui là sera encore là pour longtemps, qu’il s’auto-alimente de toute façon de ses propres contradictions et des tentatives de le déstabiliser. Je suis également convaincu qu’il n’est pas le système économique parfait et notamment qu’il ne résout en rien la question des inégalités flagrantes à toutes les échelles.
Alors, élevé au socialisme, je suis convaincu que le pouvoir économique a gagné une place unique dont on ne le délogera plus. Je suis convaincu aussi que le pouvoir politique existe pour organiser la société, fluidifier ses échanges, garantir l’ordre public et que sa première mission est de trouver (et reconnaître) place et position à chacun des individus qui la composent.
Alors j’aimerai un pouvoir politique comme contre-pouvoir de celui économique maintenant premier pouvoir en place. J’aimerai un pouvoir politique qui accompagne, frères ennemis, le capitalisme libéral en y a adjoignant là où il le peut encore le partage, la réduction des inégalités, la protection des plus faibles et, si il faut aller jusqu’à le dire, un souffle utopique et humaniste.
Pour en revenir aux camps politiques, je suis donc persuadé que notre monde d’aujourd’hui est déjà un monde de droite par l’importance donnée à sa valeur économique. Je suis donc persuadé que voter à droite serait, en quelque sorte, appuyer le pouvoir omniprésent, lui donner toute latitude de faire et de mal faire. Là où voter gauche serait, pour moi, garder la possibilité de corriger le tir, de s’autoriser une autre vision, un garde-fou politique vital.
Encore une fois c’est ma vision actuelle avec tout ce qu’elle comporte de naïf et de provocateur… Mais la votre c’est quoi ?
Le Berjagel
C’était un homme grand et sec. Une ombre à peine tangible, muette et digne.
Il était apparu, un jour, dans le salon ou nous tenions nos parties de cartes quotidiennes. Assis à la table voisine, les jambes tendues devant lui et les yeux perdus dans le vide, il sirotait lentement la boisson locale.
Son aspect peu habituel et la part de mystère qui se dégageait de sa personne avaient immédiatement alimenté nos conversations. A voix basse, en jetant de temps à autre des regards furtifs à sa table, nous avions échangé mutuellement nos folles suppositions sur sa présence.
A en croire certains, il ne pouvait s’agir là que d’un indien du sud mis au ban par sa tribu, venu finir ses jours reclus dans notre paisible village. Pour d’autres, son éloquent silence ressemblait plutôt à un acte de pénitence, après quelque crime passionnel impuni comme il s’en déroule tant dans nos campagnes désertes.
Puis, au fil des jours, sa présence était devenue banale, presque rassurante de régularité. Il faisait partie du décor et nous nous serions étonnés de ne pas le trouver à sa place à notre arrivée.
Une fois, enhardis par l’alcool, deux d’entre nous s’étaient même approchés de lui, tentant de nouer la conversation sans succès. Un signe de tête de sa part, sans animosité, nous avait fait comprendre qu’il préférait rester seul.
Pourtant, quelques mois après son arrivée, il avait prit un soir sa chaise à bout de bras et l’avait conduit lentement à notre table. Après un regard circulaire, il l’avait posée à ma droite et s’y était assis, jambes tendues, dans la position que nous lui avions toujours connue. Nous nous étions tous regardé quelques instants, piteusement intimidés par sa sombre présence.
Puis, après quelques instants, j’avais courageusement battu nos cartes et nous avions repris notre partie, intégrant notre nouveau spectateur au décor. Il avait dès lors pris l’habitude de nous rejoindre de la sorte au cours de la soirée, semblant apprécier la calme concentration de nos jeux.
En contrepartie de ce calme absorbé, il était parfois la proie de mouvements violents, brefs et intenses. Je me souviens par exemple qu’au cours de nos parties nous accueillions quelques fois un étranger de passage à se joindre à nous. Lors de l’une d’entre elles, un voyageur de commerce, d’abord pétri d’insuffisance, nous avait très vite accusé de tricherie. Le type s’énervait seul depuis quelques minutes, vociférant des insultes malgré notre bonne foi, quand notre silencieux compagnon s’était levé, d’un seul mouvement. Apparaissant subitement derrière le petit homme, il l’avait alors simplement saisi par le col de sa veste sans efforts apparents et l’avait emmené à bout de bras vers la porte.
Nous nous étions mutuellement regardés autour de la table, surpris de découvrir un tel déchaînement de force chez notre silencieux compagnon, honteux de l’avoir finalement intégré parmi nous sans chercher à le connaître.
Puis il était revenu s’asseoir, le visage toujours muet, avait esquivé un geste de négation comme pour souligner le peu d’importance de son acte, nous encourageant à jouer. Nous avions repris nos cartes et continué notre partie, d’abord soucieux puis, pris par le jeu, en oubliant toute l’histoire.
Après quelques heures, quand nous nous levions pour partir, il abandonnait sa chaise et nous suivait au dehors. Il passait les nuits, enveloppé dans sa longue cape au pied d’un arbre en bordure du village, insensible aux intempéries. La journée, il reposait simplement assis sous son arbre, impassible, ne se mettant en mouvement que pour rejoindre le salon à la nuit tombée.
Quelques rares fois, comme pour compenser sa trop longue inertie, il s’essayait aux travaux du village, réalisant en un après-midi le travail d’une semaine. Il se débarrassait alors de sa veste, dévoilant un torse creux et des longs bras noueux, décrochait une hache ou une scie et se mettait à la tâche avec rage, sans qu’un seul soupir ou gémissement ne vienne rompre son silence.
Il nous semblait à tous qu’il resterait chez nous jusqu’à la mort, comme une inébranlable présence.
Mais un soir, quelques années plus tard, le tenancier du salon où nous tenions nos parties reçut un gros colis de la ville. Le gérant s’empressa de le déballer devant nous, dévoilant ainsi le premier gramophone que nous avions l’occasion de voir au village. L’assistance, excitée par la nouveauté, se massa autour de l’engin attendant du gérant qu’il le fasse chanter. Après quelques essais maladroits de sa part, une tonitruante musique s’en échappa, faisant éclater de rire un public déjà conquis.
Alors, notre hôte silencieux se leva de la chaise. Dépliant son long corps, il épousseta lentement son gilet alors que tous les regards passaient alternativement de lui au gramophone, dont émanaient toujours les complaintes d’une trompette. Il s’avança silencieusement vers la porte, se retourna pour nous englober tous d’un dernier regard avant d’enjamber le perron et de disparaître dans la nuit.
Nous ne devions plus jamais le revoir.
À la bonne heure
N’allez pas croire que le constat en apparence pessimiste de la semaine dernière semaine d’avant m’empêche d’être heureux. Au contraire, cette volontaire prise de conscience de mes limites est bénéfique car elle me réconcilie avec ma vie. La pire façon d’exister serait de se réfugier dans une logique plaintive, estimer ce qui me manque comme indispensable, tout gêcher par orgueil, faire de la frustration le faux moteur. Pas de peut-être, pas de mal-être. Alors certes, un pincée d’amertume de temps en temps est salvatrice, comme une échappée de souffre qui prétend au malheur et par là à la considération de mes pairs et de moi-même, comme une participation douloureuse à la nature écrasante de l’humanité. Mais je ne l’oublie pas, je ne peux pas l’oublier, la vie est à la fête. Avec le peu d’expérience qui est mien, je crois même aujourd’hui tendre lentement vers une sagesse réaliste mais pas résignée, une plénitude, un contentement de soi, du cadre et des autres. Pas de l’orgueil mais une douce estime. Je ne suis pas ce que j’aurais pu être, je n’aurai jamais tenté qu’une infime fraction des expériences possibles, je ne suis que moi même maintenant et ici. Comment pourrais-je un instant le regretter ? La vie est un miracle, l’oublier une tragédie. L’existence est courte et futile, la mettre en scène un travers tentant. Dure serait la chute du masque, marchons plutôt à visage découvert.
Lundi 24 – …
Trois semaines sans billet. Non pas que je n’avais rien à dire. Comme les semaines précédentes, j’aurai pu péniblement arracher quelques minutes de motivation à mes WE en fuite pour faire la liste de mes activités / découvertes. Mais une fois encore sur ce carnet en phase, le cycle euphorie du débutant > efficacité tenue > efficacité ténue > perte de rythme > manque de soufle > immobilisme amer a fait long feu.
J’ai une vie miraculeusement facile, pas de soucis, pas d’ennuis, des facilités, des possibilités, une chance inouïe. Du temps pour m’écouter, trop sans doute ; des envies sourdes maintenues muettes ; des revendications futiles ; une culpabilité déplacée. J’ai aussi le droit à ma part de souffrances. L’impression d’exister tient à ça. Le bonheur en haute estime / la rancoeur en faire-valoir.